Résumé de la conférence de France Bhattacharya, donnée le 7 avril 2014 au centre André Malraux, à l’occasion de la parution du roman de Rabindranath Tagore, Kumudini (éditions Zulma), traduit du bengali en français par France Bhattacharya.
La question des femmes a été une des plus âprement débattue en Inde, et particulièrement au Bengale, depuis les premières décennies du XIXe siècle. Elle a été au centre des préoccupations des hindous du Bengale, et surtout de la classe supérieure et moyenne éduquée à l’occidentale, les Bhadraloks, les gens de bien. Calcutta était alors la capitale de l’Inde britannique.
Rappel historique
Les codes de lois et la coutume
Le grand législateur Manu consacre une vingtaine de versets de son livre 5 à préciser les devoirs des femmes : « Une petite fille, une jeune femme, une femme avancée en âge, ne doivent jamais rien faire suivant leur propre volonté, même dans leur maison. » (verset 147) « Pendant son enfance, une femme doit dépendre de son père ; pendant sa jeunesse, elle dépend de son mari ; son mari étant mort, de ses fils ; une femme ne doit jamais se gouverner à sa guise. » (verset 148) « Quoique la conduite de son époux soit blâmable, bien qu’il se livre à d’autres amours et soit dépourvu de bonnes qualités, une femme vertueuse doit constamment le vénérer comme un dieu. » (verset 154).
Toutefois, si Manu interdit bien à la veuve de se remarier et lui enjoint de mener une vie d’abstinence, il ne lui ordonne pas de se brûler vive sur le bûcher funéraire de son époux. D’autres législateurs l’ont fait et, au Bengale, le pandit Raghunandana, au début du XVIe, édicte les règles les plus contraignantes dans tous les domaines de la vie religieuse et sociale des hindous de la région.
Une lignée de grands réformateurs
Raja Rammohun Roy (1774-1833).
Il fut le premier réformateur social à la période qui a précédé la naissance de Tagore. Par une loi promulguée an 1829, il réussit à faire interdire la crémation des veuves qui s’était beaucoup répandue au Rajasthan, mais aussi au Bengale. Rammohun chercha aussi à faire rendre aux femmes le droit à l’héritage que la coutume leur avait enlevé. Il fonda un mouvement religieux monothéiste, le Brahmo Samaj.
Des anciens élèves de l’Hindu Collège, institution fondée en 1817 à Calcutta sur le modèle européen par des Bengalis et des Britanniques bienveillants, allèrent très loin dans la demande de réforme sociale. Leur radicalisme philosophique et religieux et leur conduite, qui allaient à l’encontre de tous les codes religieux, firent qu’ils ne furent pas écoutés. On les appelait les Young Bengal. En 1839, un des leurs fit une conférence sur la condition des femmes hindoues. Il notait successivement 1- leur besoin d’éducation, 2- les maux entraînés par les mariages d’enfants, non- consensuels et irrévocables, 3- ceux produits par la polygamie, 4- ceux produits par les mariages arrangés, 5- il s’élevait contre l’enfermement des femmes et 6- contre l’interdiction du remariage des veuves. Il demandait un mariage civil et la possibilité du divorce. Ce programme de réforme, bien trop en avance sur son temps, ne fut pas repris !